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domingo, diciembre 21, 2008


Je n'ai pas fait un rêve...

Non, je ne fais pas le rêve qu’un jour Palestiniens et Israéliens seront frères. Je ne fais pas ce rêve parce qu’aujourd’hui et depuis de nombreuses années, j’ai été témoin de leur fraternité. Je ne fais pas le rêve qu’un jour la paix israélo-palestinienne sera possible parce qu’elle est déjà possible.
-extrait de l'allocution d'alain Michel pour l'ouverture du 3è Congrès Mondial des Imams et Rabbins pour la Paix, Unesco, 15 décembre 2008.
(ci-dessous le texte complet de l'allocution)

Contrairement à Martin Luther King, je n’ai pas fait un rêve…Non, je ne fais pas le rêve qu’un jour Palestiniens et Israéliens seront frères. Je ne fais pas ce rêve parce qu’aujourd’hui et depuis de nombreuses années, j’ai été témoin de leur fraternité. Je ne fais pas le rêve qu’un jour la paix israélo-palestinienne sera possible parce qu’elle est déjà possible.

Je le sais car j’ai la joie profonde et l’immense honneur de vous accueillir aujourd’hui à ce 3e Congrès Mondial des Imams et Rabbins pour la Paix, vous, religieux, les garants de la sacralité de la vie et de la paix, vous qui avez décidés d’être les artisans de cette paix.

En effet, ce congrès, dont le thème principal est la paix israélo-palestinienne, a été initié à la demande même de certains d’entre vous, Imams et Rabbins du Moyen-Orient qui savez bien qu’il n’y a pas d’autres moyens d’obtenir la paix que par le dialogue.Ce congrès sera, probablement, une étape historique, puisque, pour la première fois depuis 60 ans, entourés d’Imams, de Rabbins, de Chrétiens, d’Hindous et d’experts venus du monde entier, sont réunis, parmi les hautes autorités religieuses de toutes les sensibilités, Israéliens, Palestiniens, Libanais, Iraniens, Saoudiens, pour des rencontres officielles.

Une première rencontre qui participera certainement à en permettre d’autres, qui permettra certainement de débloquer grandement une situation considérée comme sans issue.Oui, nous avons tous entendu la voix anonyme des chuchoteurs répéter que le conflit actuel au Moyen-Orient ne se réglera jamais, qu’il y a trop longtemps que ces deux peuples se battent pour qu’ils puissent un jour faire la paix…

Nous avons tous remarqué qu’on nous montrait plus souvent les images des frères ennemis que celles des échanges fraternels pourtant si nombreux.
Il faut sortir de ce défaitisme, de ce fatalisme. Ils sont absurdité. Les exprimer est désespérance coupable, coupable de complicité avec le mal.
Ne nous laissons pas assourdir par cette voix anonyme qui chuchote dans la nuit de nos peurs et de notre culpabilité. Parce que comme le racontait le poète soufi Haidar Ansari à ses disciples : « La nuit dernière, une voix m’a chuchoté à l’oreille : « Ca n’existe pas une voix qui chuchote dans la nuit. » » Ca n’existe pas une voix anonyme qui répète ses messages défaitistes, ce n’est que l’écho de nos propres renoncements.

En vérité, ils sont près de onze millions d’habitants sur cette Terre de Palestine, Israéliens et Palestiniens confondus. Quasiment tous aspirent à la paix. Ce qui est certain, c’est que les Palestiniens et les Israéliens n’ont pas vocation à êtres ennemis car ils sont frères et voisins.

Vous tous, chefs religieux juifs, chrétiens, musulmans, rassemblés au nom de votre foi par un même Dieu d’Amour et d’unité, vous êtes garants de la sacralité de la vie et de la paix. Vous avez probablement lu dans le Deutéronome : « j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité… »

Alors, puisque les promesses de Dieu sont identiques pour tous, et que l’être humain a été créé libre de choisir la voie de la mort et de la malédiction ou la voie du bien et de la bénédiction, choisissez, choisissons définitivement le chemin du bien et de la bénédiction : le chemin de la vie.Si vous êtes ici, engagés dans la démarche historique de ce congrès, c’est que vous savez que le monde se trouve aujourd'hui à un tournant fatidique dans l'histoire humaine, et que la poursuite de la guerre ou l’avènement de la paix en est l’une des principales composantes.

Alors, puisque les gouvernements n’ont pu parvenir seuls à résoudre ce conflit de 60 ans, probablement le plus long de toute l’histoire moderne, que d’échecs de processus de paix en échecs de processus de paix, nous constatons que plus on avance, plus on s’éloigne…
Puisque l’on sait également que ce conflit ne se réglera jamais par la voie militaire, il est peut-être enfin temps de constater que la solution ne pourra pas exister sans l’implication concrète des religieux dans toutes les négociations, rencontres et dialogues officiels.

Vous savez que les religieux, qui ont le pouvoir de faire la guerre, ont aussi le pouvoir de la paix. Et dans cette région du monde, aujourd’hui, la paix est possible.
Vous-mêmes et tous les religieux en êtes les dépositaires, et vous savez qu’elle est devenue vitale pour toute l’humanité, car cette paix, en supprimant la cause majeure des tensions israélo-arabes, entraînera dans son sillage tous les pays avoisinants.

Les clefs pour ouvrir les portes à une vraie paix au Moyen-Orient, sont maintenant connues, à vous, à nous aujourd’hui de les utiliser.

Votre présence ici aujourd’hui est une déclaration de votre volonté de paix. Mais cela n’est pas suffisant car vous avez une plus haute responsabilité, vous les religieux, vous qui reliez le monde d’en-haut et le monde des hommes, vous qui êtes garants du lien sacré entre Dieu et les hommes et entre les hommes eux-mêmes.

Vous êtes venus avec la volonté d’être des artisans de la paix et cette mission est sacrée.Les contingences politiques, la versatilité humaine, les brumes des chuchoteurs et tant d’autres obstacles viennent sans cesse briser les actions pour la paix, faire avorter les tentatives politiques et diplomatiques. Il faut donc élever l’action au-dessus de toutes ces contingences pour que l’objectif d’une paix enfin partagé ne puisse plus être manqué.

C’est à vous que revient cette tâche sacrée. Vous les religieux, vous êtes réunis ici avec la mission vénérable d’œuvrer pour la paix et pour cela il vous faut élever le débat au-dessus des controverses politiques. C’est pour cette raison que lors de nos ateliers, sessions de travail et rencontres, demain, après-demain, cet après-midi, nous éviterons tout jugement politique pour nous focaliser uniquement sur notre objectif de paix.

Le moment est venu de faire entendre votre voix afin que les responsables des gouvernements, soutenus par votre volonté et votre engagement de religieux, puissent avoir la sagesse et la volonté politique, de surmonter tous les obstacles pour assurer au monde un avenir de paix partagé par tous les Hommes.Mais, tous les efforts de paix seront détruits par les fanatiques si vous ne condamnez pas, et ne délégitimez pas, définitivement, toutes les violences faites « au nom de Dieu ».

C’est maintenant, que vous devez reprendre la parole de Dieu volée et pervertie par les extrémistes. Nous savons bien que de ne pas parler, de ne pas se positionner face au terrorisme et à toutes les violences religieuses pour les condamner, c’est en être complice et coresponsable. Ce sont tous les hommes de foi qui subissent une humiliation grave lorsque des attentats sont commis par des extrémistes « au nom de Dieu ».

Chaque acte de terrorisme effectué par un musulman fanatique c’est tout l’islam, tous les musulmans qui en subissent les conséquences. Ce sont des centaines de millions de musulmans qui sont alors identifiés à la violence et au terrorisme.Chaque acte de violence, de mépris, d’injustice, commis par un juif au nom de Dieu et des textes sacrés, c’est tout le judaïsme, tous les juifs qui en subissent les conséquences.

Ce sont les millions de juifs de par le monde qui sont alors identifiés à la violence, au mépris à l’injustice.Ce congrès mondial à l’Unesco se doit de marginaliser et de mettre « hors la loi » définitivement les fanatiques, en mettant en lumière tous les hommes de foi qui ont le courage intellectuel, spirituel et humain de condamner théologiquement les attentats et toutes les atteintes à la vie humaine.

Ce congrès est, sans nul doute, un signe d’espérance, un élément fort qui nous confirme que les crises que nous vivons actuellement doivent être acceptées comme des opportunités de transformation et non comme des catastrophes.

Dans les circonstances actuelles de vide politique forcé, dû aux périodes électorales, les chefs d’Etats, Israélien, Palestinien, Américain ne pourront tenir l’engagement qu’ils ont pris en novembre 2007 à Annapolis, celui de signer des accords de paix avant fin 2008.

En revanche, l’opération que nous avons lancé deux mois plus tôt qu’Annapolis en votre nom, au nom du Congrès Mondial des Imams et Rabbins pour la Paix, et qui est à l’origine de ces rencontres.Cette opération avait pour titre « 2008, année de la réconciliation entre les Israéliens et les Palestiniens », pourrait être menée à terme au cours de ce Congrès.

Je ne doute pas une minute, qu’à la fin de ces rencontres, nous ne nous séparerons pas, sans avoir posé un acte fort, un acte majeur, un acte déterminant qui permettra aux gouvernements de concrétiser politiquement la paix que vous allez exprimer.

Si vous tous, religieux israéliens et palestiniens, entourés de tous les autres religieux présents, vous vous engagez ici pour la paix, nul doute que les populations vous suivront. Car aujourd’hui, même si les évènements qui se sont déroulés depuis 60 années sur cette terre du Moyen Orient ne permettent pas encore aux uns et aux autres de se tendre la main dans la sérénité, un très grand nombre d’indices montrent que les opinions publiques, israéliennes et palestiniennes, sont prêtes à se mobiliser.

Votre engagement sera le déclencheur de leur mobilisation pour l’établissement de la vraie paix. Si tous les hommes sont frères et que l’humanité est une seule famille, alors, lorsque deux frères s’affrontent et sont prêts à se déchirer, le rôle des autres membres de la famille n’est-il pas de les séparer pour ensuite les réunir et les réconcilier?

C’est pourquoi, je voudrais vous proposer de vous adresser au terme de ces rencontres, aux opinions publiques du monde entier, en demandant à chacun d’apporter son soutien à tous les engagements pour la paix que vous aurez pris au cours de ce Congrès. Car il est certain que c’est la puissance de l’opinion publique qui pourra donner aux gouvernements, européens et américain entre autres, l’impulsion nécessaire et les moyens de soutenir toutes les initiatives politiques utiles pour assurer la paix au Moyen-Orient. Et l’énergie de paix, alors générée par ceux qui accepteront de vous soutenir, des millions, des dizaines de millions peut-être, permettra au pardon et à la réconciliation, indispensables pour qu’existent la vraie Palestine et le vrai Israël, de voir le jour.

Avant de terminer ces quelques mots, j’ai besoin de vous dire à quel point, bien plus encore que pour les précédents, la préparation de ce troisième congrès a été difficile et semée d’embûches. Les résultats en seront, j’en suis sûr, à la hauteur.
Vous n’imaginez pas les épreuves dans tous les domaines, humainement, familialement, financièrement qu’il a fallu et qu’il faudra encore surmonter.
Mais ce qui a maintenu notre détermination à poursuivre, à ne jamais baisser les bras, c’est, qu’après avoir vu les magnifiques et si nombreux fruits des deux premiers congrès, nous avons aujourd’hui l’absolue conviction, qu’avec l’aide de Dieu, vous avez réellement le pouvoir de changer le monde.

Vous êtes les vicaires de Dieu et à ce titre vous êtes « reliés » reliés au plus près de Lui. A ce titre encore, par votre exemplarité et en faisant référence aux textes sacrés, vous exercez une influence déterminante sur les populations. Vous êtes les vecteurs de Sa paix. C’est pourquoi, chers amis, je suis persuadé que, par vous, la paix n’est pas pour demain, mais bien pour aujourd’hui.

Non, je ne fais pas le rêve de la paix, je la vois déjà entre vos mains.Je sais que vous ne vous quitterez pas sans avoir signé une vraie déclaration de paix pour ainsi transmettre au monde, en cette fin d’année 2008, votre message d’espérance dont tous les peuples ont tant besoin aujourd’hui. Un message qui mobilisera, un message qui ne permettra plus jamais et à quiconque de baisser les bras.

Je vous souhaite bon travail, car le monde compte sur vous…

Je vous souhaite aussi de bonnes rencontres à tous et qu’elles soient débordantes de vraie Joie et d’Amour.

A.M.